Récits
Quelques récits divers et variés







La massue
Tout part d’un appel, avec Mat, le premier constat est sans appel, Tré la chaume est tombée, à l’instar d’une dizaine d’épée et stalactites de grandes tailles au fer à cheval. Il va nous falloir un plan B. Mat m’apprend alors que ce vieux renard de Jean Luc a grimpé la massue. En apprenant cela je le sais déjà, demain nous iront la voir, sacré plan B.
La massue, cette ligne mythique, ouverte durant l’hiver 91/92 par François Damilano, le même jour que la la Lyre, et toute deux proposées à un niveau de cotation supplémentaire, le grade 7. Une ligne magnétique, coincée au fond de son petit vallon, deux tubes de glace posés l’un sur l’autre. Elle n’a pas l’ampleur des cascades principale du fer, du haut de sa grosse centaine de mètre elle pourrait faire pâle figure à côté des 500m de la Lyre, ou même des 300m des Folly. Et pourtant, le nom de ces deux longueurs, résonne dans l’imaginaire des glaciéristes. Et pour cause, deux longueurs de grandes classe, fragiles et délicates, d’une beauté sauvage. Sauvage parce qu’à côté de certaines cascades pouvant paraître délicate, la massue a quelque chose de brutal, de puissant, d’hostile, et de paradoxalement de beau.
Il y a quelques années déjà, avec Nico nous étions au pied de la ligne, je n’avais alors pas du tout l’expérience pour espérer la grimper devant, Nico a pris la décision de ne pas la grimper ce jour là à cause d’une fissure à la base du premier tube. Mais, les 2h30 d’approche, seuls au monde dans ce lit de ruisseau à faire la trace, l’ambiance du lieu, la ligne, toute cela a laissé un souvenir impérissable en moi, j’étais sous le charme du fer avant même d’y avoir grimpé. Je me souviens de voir Nico, au pied de la belle, ou plutôt de la bête. La nuance est fine avec les cascades, « la beauté du diable » comme le décris si bien Nico. Il paraissait si petit, presque écrasé par la cascade.
Ces mots qui résonnent encore en moi aujourd’hui alors que nous suivons les traces de Jean Luc et Catherine. Je suis sans Nico cette fois, pour la première fois je suis au fer, et c’est intimidant, d’autant que la cascade qui se dessine devant nous n’a rien d’anodin, aucune cascade du fer n’est anodine, mais celle ci particulièrement. Avec Mat nous avons déjà pas mal grimpé ensemble, l’entente est très bonne entre nous, la confiance mutuelle est totale, et nous sommes déterminés, déterminés à aller voir malgré l’appréhension, une appréhension qui pourrait s’apparenter à de la peur, mais qui se fait rapidement supplanter par l’excitation et le plaisir d’être ici tout simplement.
Enfin nous sommes au pied de la longueur d’approche et nous nous préparons en discutant, malgré notre appréhension, nous savons pourquoi nous sommes là, il n’y a pas de hasard dans cette histoire. Depuis le début de la saison je passe régulièrement au fer pour l’observer, m’imprégner, essayer de le comprendre et de l’apprivoiser, au moins un peu. 3 mois que nous grimpons ensemble avec Mat dans des lignes sauvages et variées, apprenant à nous connaitre, construisant peu à peu tout les éléments qui font une cordée. Plusieurs années que je tente de peaufiner mon expérience en glace, à travers celle de Nico beaucoup, et de toute les personnes que j’ai pu rencontrer. Et tout ces éléments, qui sont imbriqué les uns dans les autres, auxquels viennent s’ajouter les années d’expériences de Mat, son vécu, son envie, tout cela nous emmène ici, aujourd’hui, au pied de cette ligne. Il n’y a pas de hasard ici, rien de tout cela, pas de concours de circonstances, nous ne sommes pas là parce que nous nous serions dis « allons-y » après avoir vu une photo passer.
Avec Mat nous sommes raccord sur un point, si on ne le sens pas on y va pas, mais même si nous ne verbalisons pas forcément cela, nous sommes prêt, tout les deux, à accepter l’engagement de grimper une telle structure.
J’en finit rapidement avec la longueur d’approche, et la cascade m’apparaît alors, un peu différente de la première fois, plus élancée, la méduse du milieu est moins imposante. A force de la voir et d’y penser j’ai finit par apprivoiser un peu cette ligne et même si elle m’impressionne, et m’impressionnera toujours, la grimper ne me parait plus aussi insensé, et à Mat non plus ! D’autant que pour une fois qu’il sors de Maurienne, il faut bien profiter un peu du voyage.
Mat se lance dans le premier tube, les mots de Max Bonniot résonnent en moi « tirer la queue du tigre » alors que mon compagnon du jour met un coup de piolet dans le socle, un bruit sourd se fait entendre, le tigre vient de se retourner. Une fissure s’est créée à la base du tube, le ton est donné, il faudra grimper discrètement, silencieusement pour ne pas réveiller la cascade, ne pas réveiller le tigre. Ne faire que passer le long de son dos avant d’en redescendre, doucement, comme nous sommes venus. Mat grimpe délicatement, aucune frappe, les crochetages sont plutôt bon, et l’escalade absolument raide, un stalactite permet à Mat de se reposer par moment, il pose ses piolets sur les aspérités de la glaces, effleure cette fragile matière des pointes de ses crampons. Nouveau craquement, le tigre sent bien que quelque chose le chatouille. Mais Mathieu continue calmement de grimper, avec efficacité et délicatesse. Il arrive alors sous la méduse qu’il franchit avec aisance.
Il n’y a pas le choix, le relais se fait sur le dos du tigre, pas de spits ici, si la bête décide de bouger nous le sentirons, sans filtres aucun. La bête d’ailleurs bouge de temps en temps, faisant vibrer le relais. La tension est palpable, nous sommes en train de jouer à un jeu dangereux, et nous le savons tout les deux, malgré cela le plaisir d’être là est difficilement descriptible, nous sommes là où nous voulons être. Tout du moins lorsque nous grimpons, car quand nous assurons, soudain la réalité du lieu où nous sommes nous frappe, c’est insensée cette ligne, un miracle qu’elle puisse simplement exister et être grimpable.
Je rejoins Mat entre les deux tubes, c’est maintenant mon tour, je sais ce que j’ai à faire, je sais pourquoi je suis ici, mais les 3m du cône tentent de semer le doute en moi. Pourquoi continuer ? Pourquoi chercher à grimper cette fragile colonne de glace de 30m ?
Je n’ai pas besoin de réponses, ces interrogations ne servent qu’a retarder une échéance, d’autant que les raisons qui font que je suis ici je les connais. Ce tube c’est un rêve de le grimper, et je compte bien y aller. Une fois à sa base je l’analyse rapidement, il est fendu, je peux glisser ma lame à l’intérieur, il est aussi translucide, l’eau coule à travers et je le vois. La lumière se reflète magnifiquement à travers.
Ma décisions est prise, et je débranche alors toute la partie consciente de mon cerveau, laissant faire mon instinct alors que mes piolets trouvent leur place dans la glace. Je ressens mes piolets, leur pointe qui se glissent dans la glace avant de la mordre doucement, mes pieds qui se posent sur les pétales de glace, griffant délicatement cette matière à la fois si fragile et si solide. Tranquillement je progresse vers le haut de ce fragile édifice, plaçant régulièrement des broches à glaces, essayant de me faire discret et léger. Je me sens à ma place, la grimpe est plus psychologiquement difficile que physiquement exigeante.
Je remonte doucement sur le dos du tigre, la jonction avec le rocher est proche, je tape alors deux petits coups, et entend Mat me dire de faire attention. Le passage délicat est passé, et je me rétablie sur une marche de glace. Après avoir respiré un grand coup je prend conscience de ce qu’il vient de se passer, c’est comme si je me réveillais. Décision est prise de faire relais ici pour ne pas envoyer trop de glace sur mon partenaire juste en dessous. Mat me rejoins, il est aux anges, et file terminer les 25m de glace restant, qui sans être aussi difficile que le bas n’en reste pas moins déversant, le vide se creusant.
Au sommet nous nous étreignons, simplement heureux d’être là, du partage de ce moment intense, de cette ascension, d’être au bon endroit au bon moment tout simplement. La descente se fait efficacement, nous sommes pressé de quitter le dos du tigre, aujourd’hui malgré ses soubresaut il sera resté calme, nous laissant profiter de cette incroyable ligne. Nous savons pertinemment que c’est un jeu dangereux, ici plus qu’ailleurs, la structure est parfaitement décollée, et la jonction médiane n’a rien de solide, la massue est en réalité un tube de 100m avec une jonction au milieu où elle ne touche qu’une petite dalle rocheuse, rien de vraiment tangible.
Encore une fois la force de la cordée me frappe de plein fouet, tout ces regards, ces sourires, ces paroles échangées lors d’une ascension comme celle ci, c’est pour tout cela que l’on fait de la montagne, et encore plus de la glace, pour vivre intensément le moment présent. Y-a-t-il besoin de grimper la massue pour vivre cela ? Je n’ai pas de réponse aujourd’hui, mais ce qui est sûr c’est que l’expérience que l’on a vécu ce jour là est incomparable.
La sorcière blanche
Voilà un nom bien singulier , le nom d’une ligne mystérieuse, belle et paraissant inatteignable, située dans le fer à cheval, elle est l’une des dernières ouvertures majeure. Mystérieuse elle l’est, par le peu de répétitions qu’elle à vue, mais aussi par les grands nom qui font partis des ouvreur et des très rares répétiteur, Damilano, Batoux, Robert, Sourzac, Rattel, Beauquis. Jusqu’à cette année ce sont les seuls ascensions connues. Dans ce site majestueux elle n’apparait que rarement, et plus rarement encore d’un seul trait de glace.
Il faut commencer par grimper les 150 premiers mètres des Folly de gauche, remonter 3 longueurs de rocher, et enfin prendre pied sur le premier crayon suspendu, puis peut être avoir la chance de grimper le deuxième ou alors passer dans le rocher pour rejoindre la glace plus haut, avant une dernière longueur de glace, toujours aussi raide, qui ramène sur les pentes de sorties. Bien sûr la ligne est trop raide pour descendre dedans et dès lors que l’on quitte la dernière longueur de rocher, toute retraite s’annonce compliqué, il faut donc rejoindre les Folly pour entamer les rappels. Une sacrée journée de montagne !
C’est une ligne incroyable, impressionnante, l’une des photos faite à l’ouverture est gravée dans ma mémoire, on y voit Philipe Batoux grimper le premier tube, qui à l’air en suspension dans ces dévers de rocher noir, une photo incroyable, une longueur de glace de grande classe. Après ces images je repense aux images de Nico quand, accompagné de Seb Rattel, ils gravissent pour la première fois la ligne avec le deuxième tube formé, créant à la suite du rocher 3 longueurs de glace absolument magnifique, en suspension totale dans ce fabuleux cirque du fer à cheval.
Cette année le fer est en superbe conditions, et après avoir gravi la massue avec Mat, la projet de grimper la sorcière blanche a la fin de la semaine nait. D’autant que cette année le deuxième tube à connecté, il est fin, mais il a rejoint la méduse du premier. Pour une telle ligne il faut une cordée qui fonctionne parfaitement, et qui a bien conscience de ce qui se jouera ce jour là.
Nico évidemment, mon mentor, celui qui m’a transmis toute son expérience et sa passion de la glace raide, celui qui était là 13 ans avant dans cette même ligne, et il y a maintenant presque 20 ans pour sa première dans le cirque, c’est une évidence pour moi d’aller là bas avec lui. Et puis Xav, un copain, celui qui m’a redescendu du Pumori dans un état catastrophique, une grosse expérience aussi bien en mixte, qu’en glace, et surtout toujours le mot juste pour remettre l’église au centre du village, bref un bon atout. Mais la force d’une cordée n’est pas que l’addition des capacités de chacun, il faut plus que ça, quelque chose qui n’est pas palpable, quelque chose qui va faire que chacun va se sublimer, une entente mutuelle, une confiance en chacun des membres, une reconnaissance des capacités de chacun, une compréhension du pourquoi chacun est ici, et de l’envie d’y être. Si tout ces éléments sont réuni, une cordée devient quelque chose de sublime, d’inarrétable. Mais dans le cas contraire, les capacités de chacun se retrouvent réduites à néant, il faut cette alchimie.
Pour ce qui est de notre cordée du jour, Xav et Nico ne se connaissent pas encore, mais le courant passe tout de suite, et un élément fait que nous sommes tous là aujourd’hui, notre passion pour la glace, chacun aime particulièrement ce milieu. Si à cela on ajoute le respect que l’on a pour le fer à cheval, et la flamme qu’il allume en nous, un certains nombre d’ingrédients sont déjà réunis, le plus important étant sûrement le simple plaisir d’être ici.
La veille j’étais à la massue avec Xav et Pierrick, pas pour grimper cette fois, mais pour faire des photos. Une journée folle où j’ai pu voir a quel point Xav a pris son pied en grimpant, le bonheur simple d’être ici. Quel plaisir de voir cette flamme dans les yeux de mon pote, la flamme pour cette ligne légendaire et pour ce site incroyable. Après cette ascension nous sommes remontés dans le Fer pour partager une bière, profiter simplement du lieu en prévision de la journée du lendemain, admirer cette ligne délirante de la sorcière blanche. Mais aussi discuter avec Santi, un espagnol qui était dans la voie en début de semaine, mais qui à malheureusement perdu un piolet, le contraignant à une redescente épique depuis le mixte derrière le deuxième tube. Une belle rencontre d’un autre passionné, chez qui discuter de glace allume aussi quelque chose dans le regard.
Comme souvent au fer, le reveil sonne tôt, la ligne est longue, et le soleil chauffe fort quand il sort. Devant nous il y a une cordée de sudistes, Jonathan Joly, Ben Guigonnet et Fred Degoulet, ils sont partis à peine 10min avant nous.
Pour une fois l’approche au fer est facile, avec la fréquentation il y a une excellente trace, ce qui est bien agréable ! On discute alors que les cascades approchent à grands pas. Nous rejoignons la cordée qui nous devance au pied de la ligne, il fait encore largement nuit, et le fer vit, un effondrement de glace se fait entendre, et résonne dans le site comme pour nous souhaiter la bienvenue.
Nous sommes prêt et c’est à moi d’ouvrir le bal jusqu’au rocher. Après une longueur facile l’escalade se fait plus raide, et quel plaisir ! La glace est de superbe qualité, raide et sculpté, c’est un délice, d’autant que la nuit rajoute de l’ambiance, seul le halo de nos frontales illumine cette matière délicate. L’année dernière ces longueurs étaient couvertes de neige, rendant la progression peu agréable, aujourd’hui les conditions sont parfaites. Et après une dizaine de mètres raides je me retourne tout sourire pour échanger un regard avec mes compagnons de cordée et leur disant à quel point c’est dément d’être ici.
Mais le fer à cheval reste le fer, d’énormes pétales composent la suites puis un pilier raide, rien d’extrême mais c’est la douche, 200m plus haut d’énormes épées de glaces laissent couler une quantité d’eau importante et je sors bien bien humide de la longueur. Au relais j’ai rejoins la cordée de devant, et là où je pensais être à l’abri de la pluie, il s’avère que selon les courants d’air je suis en réalité totalement exposé à ce crachin breton. L’ambiance est particulière ici, le relais étant en bordure d’un cratère, cratère créé par la chute d’un stalactite d’une trentaine de mètre qui s’est détaché 200m plus haut en début de semaine.
Au dessus c’est le rocher, et plus loin on distingue clairement les longueurs de glaces, elles ont l’air incroyables et un peu moins impressionnantes vue d’ici. Mes compagnons me rejoignent, et je cède ma place de leader à Xavier. Devant nous nos comparses du jour s’échinent à libérer ces mauvaises longueurs en mauvais rocher alors que nous faisons un point conditions. Il fait très doux, une cordée devant n’est jamais une expérience agréable, et nous savons qu’il faudra attendre un peu plus haut, mais nous prenons la décision de poursuivre vers ces incroyable longueurs de glace.
Xavier prend le taureau par les cornes, se lance dans les longueurs et trouve d’excellentes prises de piolets, incroyable qu’elles soient restées invisible jusque là ! Et magie, il trouvera les même prises dans la dernière longueurs de rocher, d’étrange aspérités à l’apparence métallique dans lesquelles les lames de piolet trouvent leur place à merveille ! Grace à cela le rocher est très rapidement derrière lui, une démonstration de maitrise.
Enfin nous sommes à la glace, et tout de suite nous le remarquons, c’est exactement comme l’avais décrit Nico, tout suspendu, la glace ne vient quasiment pas toucher le rocher, les tubes sont posés sur des pétales en suspension totale, c’est hallucinant. Nous échangeons maintenant plus de regards que de paroles tant il est difficile de décrire ce qui nous attend. Nico s’élance dans la suite, il exulte et se régale de glace, avec Xav nous sommes subjugués par l’endroit, le vide omniprésent, et nous prenons pleinement la mesure de notre fragilité sur ces masses de glaces incroyable en suspension. Puis c’est à nous de grimper, je pars devant, et après une dizaine de mètres je me retrouve plein gaz.
Ce tube sur lequel nous grimpons, ou plutôt ce stalactite immense est pendu bien loin du sol, et sans méduses dessous rien ne vient casser ces lignes de fuite, rien d’autre que le vide. Me reviennent en tête le photo de Batoux dans ce même tube. L’escalade n’a rien de difficile, surtout avec le passage, et pourtant je suis un peu crispé, je n’arrive pas a me détendre totalement tant c’est délirant d’être ici. Arrivé sous la méduse je m’arrête et me vache sur une broche, le décor est fou, un plafond de glace nous surplombe, avançant de presque 3m. Et dessous je vois le Xav qui grimpe, je fais quelques images, tout en sachant que rien ne rendra jamais l’ambiance ici, c’est un plaisir indescriptible de grimper cette ligne avec les copains, pouvoir discuter alors que l’on est perché sur ce crayon de glace.
Je rejoins alors Nico au relais, je suis tout sourire, simplement heureux d’avoir grimpé cette première longueur et exulte d’être là.
Nous sommes au pied du tube, il est fin mais sculpté, Nico avait soumis l’idée de le faire devant, 13 ans auparavant il l’avait parcouru en second, et c’est avec grand plaisir que nous le laissons y aller. Il attendait de revenir pour le grimper, et si nous sommes là c’est aussi grâce à lui, alors à lui l’honneur ! Avec Xav nous suivons sa progression avec attention, les températures très douce permettent de taper sur le tube, il grimpe comme à son habitude, posé, réfléchi, sans précipitation mais avec efficacité, c’est toujours un plaisir de voir le maitre exercer son talent.
Après un regard avec le Xav je pars dans la longueur, nous grimperons un par un pour éviter de trop solliciter la structure tout de même. Avec le passage la grimpe n’est pas très difficile, l’ambiance est folle, je n’en reviens pas d’être ici, sur cette ligne, avec les bonnes personnes, c’est un rêve qui se réalise. Même en second il faut être concentré et précis, c’est plaisant à grimper. Une fois dans les méduses la douche commence, il pleut à grosse gouttes alors que je met ma capuche, la suite de la longueur, toujours très raide s’apparente plus à une fuite en avant pour rester le moins possible sous l’eau qui s’infiltre doucement sous nos couches de vêtement.
Au relais je suis aux anges, si heureux de rejoindre Nico après cette longueur d’anthologie. Xav arrive rapidement, tout aussi heureux. Mais nous n’avons pas le temps, il faut sortir avant le soleil, nous le savons. Je prend le matériel et pars devant pour cette dernière longueur. C’est toujours raide, hyper impressionnant tant le vide est important entre mes pieds, les bras sont plutôt entamés de la journée et des précédentes. Mais surtout, encore une fois le fer nous rappel à l’ordre, non ce n’est pas finit, et cette fois c’est des seaux d’eau qui nous tombes dessus, je peux a peine lever la tête sous peine de faire rentrer encore plus d’eau dans ma veste, mon bluff servant d’éponge. Il faut se remobiliser, grimper efficacement et sortir, alors même que je sens toute mes couches de vêtements s’imbiber d’eau.
Puis c’est la sortie, le soleil, je quitte la raideur de la ligne et me retrouve sur un sol plat. Tout un tas d’émotions me submerge, du bonheur d’abord, d’être en haut de cette ligne, de la gratitude pour mes compagnons du jour, une larme coule sur mes joues, une larme de bonheur. Nico est le premier a sortir, il est transit de froid et une onglée le cueille, mais je peux lire dans son regard le même bonheur d’être ici que celui que je lis dans les yeux de Xav, nous exultons de joie, quelle ligne !
Sans trainer nous rejoignons le haut des Folly de gauche, je pense a Damilano et Claude Gardien quand ils sont sortis des Folly de droite « là haut il n’y avait que nous et les plaques a vent » et souris, aujourd’hui pas de plaques a vent. Le soleil est déjà là et nous expédions rapidement les rappels impressionnant et toujours aussi raide avant de rejoindre le bas des lignes et les affaires laissées au pied. Chacun de nous est trempé, mais le bonheur de cette expérience vécue et partagée surpasse tout le reste. Les sourires, les paroles échangées, les regards, c’est pour tout cela que l’on est venu, le fer nous offre un décors mémorable, mais ce sont les histoires que l’on y écrit qui lui donne sa substance. Ce regard avec Nico au sommet, ce sourire avec Xav dans le premier tube, ces paroles alors que l’on artifait allègrement les longueurs de rocher.
Le fer est un décor de fous, parcouru de lignes incroyable, mais il n’a de sens que si les expériences partagés sont fortes et sincères, c’est la seule chose qui puisse donner de la matière et de la vie au fer, sans tout cela il n’est qu’un site, certes beau mais mort.
Une question reste en suspend, est-il acceptable de grimper sur ces structures si fragiles et dangereuse au prétexte d’une expérience, aussi forte soit elle ? Ici chacun voit les choses selon son expérience et son vécu. Pour nous, ce jour là, nous avons estimés que oui, et c‘est ce qui compte le plus, que la cordée soit en accord avec cette prise de risque. Néanmoins, pour que cette expérience en vaille réellement la peine, il faut la partager, il existe alors plein de manière de le faire, la raconter, transmettre tout ce que l’on a appris ce jour là, écrire, parler de ce qu’on a pu vivre là haut, montrer par des photos ou des videos, les manières de partager sont légion. Tant que l’on ne perd pas la sincérité au profit d’une recherche de reconnaissance qui dessert nécessairement le propos de base.
Ce que l’on a vécu là haut n’est pas lié à une cotation, c’est une expérience de partage sincère où chacun à jouer son rôle, où la parfaite entente de la cordée à permise de réaliser quelque chose de beau, et le plaisir vient de la beauté de la ligne, l’ensemble de la démarche derrière, et nos caractères complémentaire.
Encore une fois il n’y a eu aucun hasard dans cette ascension, simplement une observation minutieuse du site et une prise de décisions juste, le créneau était court, deux jours plus tard le deuxième tube avait rejoins le sol, la cordée était prête, tout les éléments se sont alignés, et c’est là que tout se joue.
Merci les copains pour cette journée d’anthologie où nous avons réalisé un nouveau rêve de glaciériste et durant laquelle nous avons gravés des souvenirs indélébile dans nos tête et dans nos coeurs.


















Folly de gauche
« Parvenir à un équilibre précaire entre ambition confiante et insécurité craintive » Joe Simpson
L’hiver est là, certes il n’est pas très froid, ni très neigeux, mais il est là, et je suis en alerte, suivant les températures, les chutes de neige, le vent, les retour d’info, tout ce qui me sera utile dans mon choix de sortie en glace.
1 mois passé sur les skis à l’ENSA m’aura encore plus ouvert l’appétit pour la glace. Alors que la dernière semaine se termine je donne un coup de téléphone, de ceux que l’on attend avec impatience de passer. Au bout du fil c’est Nico, celui avec qui j’avais passer un incroyable hiver un an auparavant, mon mentor en glace, un ami chère. La discussion tourne très rapidement autour du fer à cheval, Folly de gauche doit passer, je l’ai vu en allant au fer une semaine avant, Nico y est aller aussi, les températures ont l’air idéales et la motivation est totale.
La date clé approche, et nous apprenons qu’un vieux renard y était quelques jours auparavant, désormais nous savons que notre intuition était la bonne, reste à savoir si cela grimpera toujours quand nous irons. La veille, alors que je change les lames et affute les crampons, Nico m’appel, il revient d’un repérage au fer, apparemment la neige tombée la veille à bien blanchi les cascades, mais des traces de coulée au dessus de la cascade indiquent que les pentes ont déjà purgée. C’est le feu vert, demain le réveil sonnera tôt, une longue journée s’annonce.
La nuit est agitée, l’appréhension, l’excitation, la peur, l’impatience, toute ces émotions tournent dans ma tête. Encore une fois le réveil vient me délivrer de cette mauvaise nuit, la journée peut commencer. l’obscurité est encore totale quand nous arrivons au coeur du fer à cheval. Il fait -6 une température idéale, les raquettes sont rapidement misent, et après une centaine de mètre le long de la piste de ski de fond nous nous enfonçons dans la forêt pour rejoindre le lit du ruisseau issus des cascades du fer.
Malgré l’heure matinale nous sommes maintenant pleinement réveillé, tout nos sens sont en éveil, la lueur de nos frontale éclairant la neige vierge de trace. Après à peine 30m dans le lit de ce ruisseau, un Woof se fait entendre, nous sommes à plat et pourtant le manteau neigeux s’est affaissé sous mon poids, créant une fissure bien visible. Quelques mots sont échangés, brisant le silence de la nuit, puis notre progression reprend, se faisant plus laborieuse alors que nous suivons le ruisseau qui nous mènera au pied des Folly. Notre instinct prend le dessus, chacun de nos sens est à l’affut, essayant de comprendre ce milieu magique.
Le jour qui se lève dévoilant progressivement la cascade, l’instant est magique, hors du temps, les deux lignes des Folly sont là, sous nos yeux, rayant le rocher déversant du fer à cheval, d’une raideur implacable, terriblement attirantes. Nous continuons d’avancer, dans les reste d’une énorme avalanche, au fond du lit de ce ruisseau, nous le savons, nous sommes maintenant à la merci du fer. Mais nous sommes en accord avec nous même, et surtout l’un avec l’autre.
Après avoir remonté ces débris d’avalanches nous arrivons au pied de la cascade, je suis impressionné, comme jamais devant une cascade, elle n’est pas seulement raide, elle parait suspendu dans le vide, le rocher derrière est déversant. Loin au dessus de nous pendent des stalactites énorme, derrière nous le soleil éclaire les sommets, c’est irréel d’être là, et incroyable de se préparer à grimper une telle structure.
C’est Nico qui attaque, et tout de suite le ton est donné, malgré la faible inclinaison de la longueur, la progression est délicate, la glace recouverte d’une neige qui a bien dégradée sa qualité. La longueur suivante est un tube, c’est tout de suite raide, et j’entend chaque frappe de Nico résonner jusqu’à moi, ce bruit sourd m’inquiète et je lui en fait part. Peu après je l’entend me dire que tout le rideau est fendu. C’est à moi de prendre la suite, à nouveau l’inclinaison modeste à permis à la neige de se coller à la glace, il faut nettoyer, allant parfois jusqu’à créer une tranchée dans la neige gelé pour atteindre une glace plus saine.
Puis c’est la traversée, du parking aux jumelles elle paraissait facile, une vire un peu raide tout au plus. Mais nous sommes au fer à cheval et pas ailleurs, en réalité je dois chercher mon chemin, dégageant la neige, cherchant la glace correct pour me protéger, naviguant de pétale en pétale, étonné de la raideur de l’endroit, croisant les doigts pour ne pas tomber dans un cul de sac. J’atteins enfin la coulée de principale, me met à l’abri derrière le tube et fait venir Nico.
La longueur suivante est tout simplement mythique, 60m de glace raide, sculptée, le tout pendu au milieu du temple du fer à cheval. Ici le vide est omniprésent, les bouts de glaces qui tombent s’écrasent bien en avant du pied de la falaise, c’est incroyable.
L’ambiance est mythique, je n’ai jamais eu cette sensation que la montagne est vivante autant que dans le fer, dès lors que le soleil est sorti nous entendons les fracas de la glace tombant de la Lyre qui résonnent contre les parois de schiste noir, parfois des spindrifts viennent balayer le ciel, l’eau coule derrière la glace. Ici, au milieu de ce lieu fabuleux, le grimpeur se transforme en animal, prêt à en découdre, essayant de comprendre tout les signaux offert par la nature. Si en cascade rien d’autre ne compte que le mètre carré de glace autour de nous, ici c’est tout le lieu qui nous importe, et il nous apparait plus intensément encore, nous y pénétrons avec précautions comme pour ne pas attirer son attention, nous ne sommes que de passage.
Nous n’avons pas été des plus rapides, et maintenant le soleil est là, je prend les broches et pars devant, au dessus de moi tout n’est que pétales et méduses, la glace est très sculpté, j’y évolue comme dans un rêve, en plus le soleil m’accompagne dans mon escalade. Cette longueur est un délice de glaciériste, variée, parfois déversante, perchée dans ce lieu magique. Bientôt je suis au pied du dernier mur, il ne fait qu’une vingtaine de mètres, mais mon instinct me dis de m’arrêter là, le soleil est chaud, l’eau coule de plus en plus sur la glace, les stalactites qui nous surplombent ne m’inspirent pas confiance, pas plus que la couleur de la glace.
Je m’enfonce dans une grotte de glace, fait venir Nico, et d’un commun accord, sans avoir besoin d’en discuter nous sonnons la retraite. La glace humide nous pousse à laisser un bout de cordelette (seule et unique trace de notre passage), et nous entamons les rappels. Un nouvel effondrement de glace se fait entendre, plus proche celui ci, confirmant si il le fallait notre décisions de redescendre. Les rappels sont efficace, et d’une raideur absolue, souvent en fil d’araignée.
Une fois aux sacs nous respirons un peu plus, tout en sachant que ce n’est pas fini tant que nous n’avons pas rejoint la voiture, ici plus qu’ailleurs. Nous mangeons un peu puis repartons vers le bas. Nous retournant régulièrement, admirant les dernières lueurs du soleil sur le fer, ses fabuleuses lignes de glace, la lune qui se lève. Et nous y sommes, au parking, de retour à la sécurité, nous respirons à nouveau alors que la nuit tombe tout juste, enveloppant le cirque de son obscurité et de son silence.
Nous nous sourions en échangeant une poignée de main, simplement heureux d’être ici, d’avoir vécu cela, aujourd’hui j’ai grimpé ma deuxième cascade au fer à cheval, et même si pour Nico c’est loin d’être son galop d’essai, il a le même sourire que moi sur les lèvres. Un sourire heureux, mélange de joie, d’une saine fatigue, du plaisir d’une belle journée, seuls au monde dans ce cirque du fer à cheval.
Après cette journée je comprend plus encore les mots de Claude Gardien, non, c’est clair, grimper ici c’est pas comme grimper ailleurs.